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Du bon rosé, ça existe encore ?

Flashback : je m’assois à la table de dégustation, prête à décerner des médailles aux meilleurs vins du concours 2019 des Vignerons Indépendants de France. Nous allons déguster à l’aveugle des rosés de l’AOC Côteaux Varois en Provence et j’ai déjà dans la tête ce qu’est selon moi un bon rosé de Provence.

 

Un bon rosé de Provence c’est quoi?

 

C’est le soleil du Sud en bouteille, pardi! C’est les cigales, l’apéro au bord de la piscine, la Méditerranée à l’horizon, les peaux bronzées, les rires, les vacances…

Dans le verre, c’est du fruit! Qu’importe si c’est de la fraise, de la groseille, du pamplemousse rose ou de la pêche blanche, un rosé doit avoir des arômes de fruits frais et gourmands qui viennent vous titiller le palais. Ensuite on veut de la fraicheur et de la vivacité. Il fait chaud, on veut un vin qui fait frissonner de plaisir. Enfin, ce serait bien que le plaisir se prolonge un peu en bouche, que cela ne s’efface pas d’un coup, quoi… Un rosé bien fait peut très bien accompagner tout un repas, la cuisine du Sud lui sied à merveille : poisson grillé, ratatouille, pizza, chèvre frais, salades peu vinaigrées ainsi que les mets asiatiques, un bon rosé de Provence sait être versatile.

Hélas, la réalité est toute autre…

Le rosé est devenu un phénomène de mode. Dès les beaux jours, les français se l’arrachent, suivis par les américains qui eux n’ont aucun complexe à le boire toute l’année. Le “petit rosé de Provence” est devenu un produit de luxe qui détrône le champagne dans les soirées d’été à St Tropez. Envoyez le Garrus, le Minuty 281, le Miraval, le Domaine Ott!

L’offre n’arrive plus à suivre. On augmente alors les rendements, on plante des vignes partout où l’AOC le permet, la plupart des vignes sont jeunes. On vend même son vin en vrac au plus offrant, les prix s’envolent. La mode veut un rosé très très pâle et très brillant. Ça fait plus joli sur Instagram parait-il. Alors on fait comment? Bonne question.

En fait, faire du rosé c’est assez technique et compliqué. D’abord il faut vendanger la nuit ou aux aurores afin de garder la fraîcheur du fruit. On fait venir des camions frigorifiques sur place, il faut faire vite pour éviter que le raisin ne s’altère et parte en fermentation. Pour éviter que le raisin ne s’altère, on utilise donc le froid et un bon coup de soufre parfois. Arrivé au chai, encore un petit coup de soufre lorsque le raisin arrive dans la presse et après il faut à tout prix que le jus ne sorte pas trop coloré, sinon quelle horreur, qui en voudrait ? Je vous passe les détails des divers produits qu’on a le droit d’utiliser en viticulture conventionnelle pour éclaircir le vin : polyvinylpyrrolidone, charbon, caseine, gélatine, patatine… Ensuite la fermentation se déroule à très basse température, la plupart du temps avec des levures de laboratoire surpuissantes qui peuvent travailler dans le froid, vite et bien. Enfin, pas de temps à perdre, la mise en bouteille a lieu 6 mois plus tard et notre “délicieux” rosé est prêt!

 

Vous reprendrez bien un peu d’amylique?

 

Mais revenons à la dégustation. J’ai dégusté une douzaine de rosés ce jour-là, tous plus pâles et plus brillants les uns que les autres. Ils respectaient tous le nuancier (oui, il existe!) mis en place par l’AOC des rosés de Provence. Pour information, les 3 couleurs les plus prisées à l’heure actuelle sont dans l’ordre: Pêche, Melon et Mangue. Ils étaient tous ravissants.

Au nez, c’est très moyen. Je cherche le fruit. J’aère désespérément mon verre. Je ne sens pas grand-chose au niveau des arômes si ce n’est des notes amyliques souvent trop fortes. On peut aimer, c’est vrai. Sinon j’ai trouvé des notes de vernis à ongle, de chou, de buis… Lorsque j’ai enfin trouvé du fruit j’ai mis une médaille sans hésiter.  En bouche, c’est pareil. J’avais l’impression parfois de ne pas boire du vin. Les arômes étaient très éloignés du raisin, c’est certain. Il me semblait que beaucoup de ces jeunes vins n’étaient simplement pas terminés. Triste constat.

Comment en sommes-nous arrivés là? A force de vouloir du rosé ultra pâle, on a sacrifié le fruit. On fabrique (je pense que le mot est juste) des vins très techniques avec beaucoup d’intrants pour filtrer et clarifier qui dénaturent le goût. On utilise des levures exogènes performantes qui aromatisent le vin comme on le souhaiterait. On le met sur le marché trop tôt, et de toute façon un rosé élaboré de cette manière doit se boire dans l’année.

 

Alors que fait-on ?

 

Simple. Ne pas acheter un rosé uniquement pour sa couleur ou pour sa belle bouteille. N’ayez pas peur des rosés d’une nuance plus soutenue. N’achetez pas votre rosé en grande distribution, allez chez un bon caviste qui saura vous conseiller. Tout n’est pas perdu, il existe d’excellents producteurs de rosés de Provence comme Château Gasqui et Clos Réal en biodynamie, Longue Tubi, la Calisse et la Bastide Blanche en bio. Enfin, partez à la découverte des autres régions où vous trouverez de belles pépites!

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